-
Petit Journal de Methans
◀
Ceci est un texte semi-indépendant de mon histoire et il en fait donc parti. Il introduit des informations qui peuvent être considérées comme importantes. En l'occurrence, il s'agit ici de l'échange complet entre l'empereur et Methans pour sa quête, plus son départ.Partie d'histoire concernée : Ereke
Personnages principaux de la partie d'histoire : Coram, Methans, Vulcan
Période du monde : Moyen-âge
Nature du monde : Heroic-Fantasy
----------------
La Mission
"Je vous prie d'accepter mes excuses, Mon Seigneur, j'ai peiné à trouver votre loge sans l'aide d'un garde." Methans s'inclina, cérémonieusement.
Il avait dû traverser un long couloir vide suivant le cheminement indiqué par la missive. Il avait vraiment le sentiment de faire quelque chose d'anormal.
L'empereur se leva brièvement de sa chaise imposante pour le saluer en retour et se rassied aussi sec.
"C'est à moi de m'excuser, Methans. C'est une affaire délicate et je ne pouvais pas prendre le risque d'impliquer un tiers d'une fiabilité douteuse." Copper exprima d'une voix relativement basse.
Methans releva la tête pour dévisager son interlocuteur, quelque peu surpris.
"Vous me voyez honoré d'être considéré comme digne de confiance. Mais si je puis me permettre..." Methans craint que sa question fut trop audacieuse et s'interrompit.
"Pourquoi donc ?" L'empereur posa la question à sa place.
Methans hocha la tête.
"C'est simple, Kanehane, ça fait des années que je te surveille. Depuis le décès prématuré de ton frère, en fait."
"Je n'en avais pas conscience. Puis-je vous demander comment et pourquoi ? Si cela ne vous dérange pas de me répondre, évidemment..."
"N'aie pas peur d'exprimer ce que tu as à dire. Par ailleurs, j'apprécierais que tu me parles d'égal à égal en ce moment-même. Nous ne sommes pas dans la salle du trône à faire des courbettes pour l'image, nous sommes dans une loge à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes pour parler d'un sujet très personnel que je ne peux confier à personne d'autre. Je désire une confiance mutuelle entre nous."
Methans prit quelques instants pour traiter les dernières paroles de son seigneur. Il avait entendu de son frère que l'empereur Copper X était assez particulier, mais c'était la première fois qu'il s'en rendait réellement compte. Il hésita quelque peu, puis se releva enfin. Dominer son empereur de sa hauteur lui inspira instantanément un profond malaise. Cela allait à l'encontre de la bienséance. Et pourtant, ce dernier souri avec bienveillance, comme nullement dérangé par la situation. Methans décidé malgré tout de croiser les bras dans le dos pour se tenir le plus respectueusement possible.
"Pour te répondre" Copper reprit "La manière dont je m'y suis pris est simple, je reçois et consulte continuellement des rapports liés aux individus considérés comme problématiques. Tu ne seras pas surpris que ta différence rende les gens autour de toi plus prompts à rapporter tes moindres faits et gestes, même les plus anodins. "
Methans ouvrit la bouche pour s'insurger à l'encontre des accusateurs, mais il se retient. L'homme en face de lui eut un petit rire.
"Ne t'en fais pas. Ce genre de rapports tombe dans l'oreille de sourds. Considère juste que beaucoup de gens autour de toi ont décidément trop de temps à perdre."
Methans décrispa la mâchoire, presque étonné de sa propre impulsivité. Cela faisait quelques années qu'il avait délaissé sa colère perpétuelle pour un esprit plus souple. Depuis le décès de son frère Bromen, en fait. Se faire tout petit pour ne plus s'attirer les foudres des autres, ne plus mettre sa mère ou Mitherel dans l'embarras et aller de l'avant, telle étaient ses devises.
"Pour ce qui est du pourquoi..." Copper continua, ignorant du trouble dans l'esprit du jeune homme. "Cela va peut-être te paraître absurde, mais Bromen m'a tellement parlé de toi que j'ai presque l'impression de te connaître."
Methans cligna des yeux à plusieurs reprises. Son frère n'avait jamais arrêté de le tarabuster au sujet de l'empereur. Pour dire à quel point il était génial, intéressant, hors du commun, à quel point il voulait le servir, etc. Au fond, Methans avait aussi un peu l'impression de connaître son interlocuteur plus que besoin. Cela le surprenait d'apprendre que de l'autre coté, son seigneur lui-même avait dû supporter les babillages de son frère à son sujet. Déjà, pourquoi son frère s'était octroyé le droit de parler avec l'empereur comme s'il s'agissait de n'importe qui ?" Son incrédulité s'évanouit quand l'homme aux longs cheveux à la couleur d'acier poursuivit.
"Par rapport à ce qu'il me racontait de toi, je pense que nous pouvons nous entendre. Je sais que les choses ont toujours été très difficiles pour toi, je ne peux pas me mettre à ta place, mais je peux te soutenir."
"Vous avez parlé d'une affaire délicate que vous ne pouviez partager avec personne. Suis-je loin de la vérité en supposant que ma 'condition' est un élément majeur de votre approche et votre désir de m'accorder votre confiance ?"
Copper poussa un petit soupir et s'accouda sur la petite table collé à son siège, la main cachant presque ses yeux.
"Je te prie de m'excuser à l'avance. Autant que tu le saches, je ne suis pas une bonne personne... Mes intentions ne sont pas louables, mais purement égoïstes. Et effectivement, ta condition est un élément-clé de ta présence ici, mais sache qu'avant tout, c'est ton état d'esprit qui m'importe."
"Mon état d'esprit ?"
L'empereur releva son visage pour scruter le jeune apprenti.
"J'ai besoin des services de quelqu'un qui soit suffisamment détaché du conditionnement de notre peuple."
Methans voulu contester cette affirmation sur sa personne, mais Copper lui fit signe de ne pas se prononcer.
"Je suis enfermé entre les murs de cette cité depuis presque toujours, je sais reconnaître au premier coup d'œil celui qui est et celui qui imite. Quand tu t'es présenté au trône lors de la fête du couronnement de Vanadia, je t'ai observé. Quand je suis allé à ton école lors de vos remises de diplômes, je t'ai observé. Je ne dirais pas que tu es un piètre imitateur, mais que tu essaies bien trop de rentrer dans des chaussures qui ne te vont pas."
Si Copper pensait que ses paroles étaient sans conséquences, pour Methans, en revanche, c'était comme si une énorme pierre s'était posée sur son cœur.
"Insinuez-vous que je ne suis pas un vrai Metallien ?"
Methans cru entendre marmonner un "Qu'est ce qu'un vrai Metallien honnêtement ?", il préféra penser qu'il avait mal entendu. Son empereur répondit :
"Je n'ai rien de plus à dire que si tu désires continuer à vivre cet acte, c'est ton droit. Néanmoins, j'ai le moyen de te faciliter la tâche."
Methans fut presque alarmé quand son seigneur se leva brusquement pour ouvrir le premier tiroir de la commode derrière son siège. Il en sorti un rotulus qu'il posa sèchement sur sa table et entrouvrit un peu plus les rideaux pour laisser plus de lumière filtrer. Il poussa le rouleau en direction de Methans et le somma d'approcher.
Methans obéit, posa un regard interrogateur sur l'homme qui l'observait, il prit le rotulus et jeta un dernier regard sur son interlocuteur avant de dérouler le parchemin. Il lut brièvement les inscriptions, écarquillant toujours plus les yeux.
"C... C'est..."
"Un accord exceptionnel à ton attention. Un accord qui te donne officiellement le statut de Metallien, avec la protection adéquate envers quiconque ne respectant pas ce statut."
Il se rapprocha de Methans et se pencha vers lui, le visage extrêmement sérieux.
"Cet accord en place veut dire que plus personne ne pourra utiliser ta condition comme moyen de discrimination. Les hauts ne pourront plus rejeter ta candidature dans l'armée et tous les rapports rapportant tes moindres faits et gestes seront perçus comme une atteinte à ta vie privée. C'est le privilège d'être Metallien."
Copper recula, les bras croisés, patientant pour une réaction.
Methans parcouru toutes les lignes encore et encore, tournant en même temps les paroles de son empereur dans sa tête. Sa stupéfaction se transformant petit à petit en résolution. Il finit par relever les yeux vers l'homme se tenant devant lui.
"Qu'est ce que vous attendez de moi, au juste ?" Son ton était quelque peu sec, mais son esprit était tellement léger qu'il n'en eut pas conscience sur le coup.
"La vraie question serait 'Qu'es-tu prêt à faire pour ceci ?"
"Cela dépend réellement de vos attentes, Mon Seigneur."
L'homme eut un autre rire et se rassied avant d'inviter Methans à s'asseoir sur le siège placé contre le mur. Le jeune homme refusa poliment et invita son interlocuteur à énoncer ses intentions. S'il avait toujours paru détaché jusqu'alors, Copper paru soudain assez anxieux. Il commença à se triturer les mains, évitant soigneusement son regard. L'oreille tendue vers la porte comme par crainte que quelqu'un d'autre soit à l'écoute.
"Il s'agit de retrouver quelqu'un pour moi." Il dit après un long silence.
"En dehors de la cité, n'est ce pas ?"
"Oui."
"Puis-je m'enquérir sur la personne que vous désirez que je retrouve ?"
L'homme serra la mâchoire, les lèvres légèrement tremblotantes, la tête penchée. Pris de conscience face à l'agitation de ce dernier, Methans se risqua à une main sur son épaule.
"Mon Seigneur, je ne doute pas que ce sujet vous tienne à cœur mais si vous désirez que je retrouve cette personne, je vais avoir besoin de votre confiance absolue. Vous devez me donner toutes les informations nécessaires pour que je puisse mener ma quête à bien."
"... Il s'agit de retrouver mon enfant."
Methans laisse tomber la main de l'épaule et recula quelque peu, interloqué.
"Votre... Enfant ? Le jeune héritier a disparu ?"
Copper releva la tête, les yeux étrangement brumeux. Il sembla analyser le visage de l'apprenti guerrier.
"Non, un autre enfant. Un enfant illégitime." Il dit enfin.
Un enfant illégitime. Effectivement, c'était un gros morceau à lâcher, songea Methans. Rien n'allait plus à l'encontre des dogmes de la culture Metallienne qu'un enfant naissant dans des conditions inappropriée et la bride était d'autant plus serrée quand il s'agissait du couple impérial.
"Comment cela... Pourquoi... ?" Methans se ne savait pas comment démarrer sa question, aussi impudente fut-elle.
L'empereur se leva à nouveau et lui fit dos.
"Il s'agit de l'enfant de l'impératrice et moi-même. Nous l'avons conçu par accident, mais nous avions anticipé qu'il naîtrait juste au bon moment pour que cela ne pose pas de problème." Inspiration ."Or problème, il y a eut. L'impératrice a dû accoucher un mois plus tôt que prévu. En toute discrétion, bien entendu. Seuls elle et moi savions."
"Par naître au bon moment, vous voulez dire qu'il devait naître..."
"Juste après le couronnement de Vanadia." Il se retourna à nouveau vers Methans. "Tu n'es pas sans savoir qu'un enfant qui nait avant l'ascension au statut impérial est automatiquement désigné comme illégitime."
Methans acquiesça, les bras croisés à nouveau dans le dos.
"L'autre conséquence d'un enfant illégitime dans un couple impérial, c'est la perte du droit à l'accession au trône, ça aussi tu le sais."
"Ne me dites pas..."
Copper baissa les yeux, visiblement peu fier.
"J'ai été forcé d'abandonner mon enfant pour protéger le droit d'accession au trône de Vanadia. Sans quoi, elle aurait été destituée, humiliée, peut-être même bannie de la cité. C'était un risque que nous ne pouvions pas prendre, elle ne l'aurait jamais supporté."
Methans le dévisagea. D'un certain coté, il était scandalisé d'apprendre l'abandon d'un enfant, surtout pour protéger un statut, mais de l'autre, il ne pouvait nier la détresse émotionnelle de l'empereur vis-à-vis de tout ça.
"Pourquoi avoir attendu si longtemps pour le chercher ?"
"..." Copper grinça des dents. "Pour dire la vérité, je n'étais pas censé l'abandonner, mais faire en sorte qu'il disparaisse à jamais, avec ce que cela implique."
Il fixa Methans durement, mais ce dernier soutient son regard. Il poursuivit :
"Je suis un lâche, Methans. Je n'ai pas trouvé le courage de tuer mon enfant pour protéger l'image et le titre de mon aimée... Je l'ai confié à un couple du peuple paysan dans un village très éloigné au sud."
Aurait-il été un Metallien pure souche, Methans aurait probablement bondit d'indignation. Juste par cet acte, l'empereur avait brisé plusieurs règles metalliennes. Fort heureusement, le jeune apprenti était bien trop loin du mode de pensée metallien, malgré son désir de se fondre en tant que tel. Le simple fait d'apprendre que l'empereur qu'il désirait servir n'avait pas été capable de tuer un enfant pour protéger un statut le rendait d'autant plus digne à ses yeux. Il se garda de le mentionner, cela dit. Il ne voulait pas que ce dernier se sente insulté ou davantage humilié.
"Comme je suis celui qui s'est chargé de faire disparaître l'enfant, vu que nous ne pouvions laisser qui que ce soit d'autre savoir, Je savais où il se trouvait et ça me rassurait de le savoir en vie. Quand Bromen s'est présenté à moi, j'ai très vite compris qu'il était digne de confiance et je lui ai demandé de descendre de temps en temps au village pour constater la situation. Il a été mes yeux jusqu'à ce tragique accident."
"Ne me dites pas... C'était ça, ses missions secrètes durant lesquels il partait presque des semaines entières ?"
"Tu as tout compris."
"Et donc, depuis vous n'avez plus su ce qu'il en était pour votre enfant, n'est ce pas ?" Methans préféra éviter d'en rester à Bromen, même si cela le brûlait. Il y reviendrait une autre fois.
"C'est plus ou moins exact" Copper ferma les yeux, pensif. "J'ai cependant eu une occasion de descendre moi-même, il y a presque deux ans, lors d'une sortie exceptionnelle durant laquelle j'ai simulé une disparition."
Il fixa à nouveau la porte comme pour guetter un son suspect et inspira profondément.
"Mon enfant a disparu."
Methans resta immobile, incertain de comment réagir.
"Ses parents adoptifs ont été assassinés par des voleurs qui ont attaqué le village il y a quelques années, mon enfant a supposément été enlevé au même moment. À cause de... À cause de ce qu'il était. Mon seul contact du village n'a rien su me dire de plus. Tout ce qu'il reste de sa famille adoptive, c'est sa petite sœur."
Copper se mit à trembler, il tenta de cacher les larmes qui lui montaient aux yeux, mais Methans les remarqua malgré tout
"Je ne sais pas où est mon enfant. Est-il en vie ? Est-ce qu'il va bien ? Est-ce qu'il est seul ou entouré ? Je n'en sais rien. Je suis piégé dans cette cité de malheur à devoir faire mon devoir, je ne peux pas partir pour le découvrir. Beaucoup trop de choses sont en jeu dans cette histoire !" Il essaya tant bien que mal de se reprendre, il se racla nerveusement la gorge "C'est pour ça que j'ai besoin de toi, Methans. J'ai besoin que tu le retrouves pour moi. J'ai besoin de savoir ce qu'il en est advenu... En fait non ! J'ai besoin que tu le retrouves et que tu le ramènes à la cité."
"À supposé que je le retrouve, n'est ce pas risquer de dévoiler votre secret que de le ramener ici ?"
"Non." Répondit Copper très sérieusement, les yeux encore humides. "Aussi longtemps qu'il reste dans l'anonymat, le risque est nul. Il n'est pas interdit pour un Metallien ayant quitté la cité de la réintégrer, non plus pour un Metallien né en dehors de la cité, aussi longtemps que ce dernier accepte de se plier à nos dogmes. Personne ne devinera qu'un Metallien sorti de nul part puisse être associé au couple impérial."
"Et s'il s'avère que... Qu'il n'a pas très bien tourné ?... Qu'il veuille acquérir ce à quoi il n'a pas droit ? Ou qu'il dévoile lui-même ce qui ne doit pas être su ?" Methans explorait déjà les possibilités.
"À ce niveau, je te laisse juge pour savoir si tu dois lui expliquer sa situation ou non. Tout ce que je désire, c'est le savoir en sécurité, là où je peux veiller dessus. Même si c'est de loin."
Methans regarda brièvement le rotulus un peu déroulé sur la table.
"Qu'en pense l'Impératrice ?"
L'empereur s'esclaffa.
"Je me doutais que tu demanderais cela." Il soupira. "Pour être franc, elle sait qu'il est en vie depuis peu de temps et... Elle n'a pas vraiment été enchantée de l'apprendre. Cela dit, et très probablement parce qu'elle devait en avoir assez de me voir trainer ma carcasse jour après jour, elle m'a accordé ce caprice. Comment crois-tu que je t'ai obtenu cet accord ?"
Methans hésita.
"Au début, quand vous avez parlé d'affaire délicate, j'avais tout de suite songé que l'Impératrice Vanadia, loué soit son nom, était impliquée. Mais au fur et à mesure de ce que vous me racontiez votre histoire, j'ai fini par douter de sa validité. Je vous prie de m'en excuser."
"Tu es tout pardonné. Et ne t'en fais pas, je suis lâche et menteur mais je ne pourrais pas tricher sur pareille chose. Ce serait insultant envers Bromen et envers toi. De plus... J'ai déjà bien assez insulté mes propres valeurs."
Copper sorti une enveloppe cachetée de sa poche et la glissa sur la table.
"Compte tenu de ta curiosité, je peux en déduire que tu acceptes cette mission ?"
"Effectivement." Methans désigna le rotulus. "Par contre, ne vous imaginez pas que ce soit ma seule motivation."
L'homme haussa un sourcil, clairement peu convaincu. Methans adoucit son regard.
"L'accord est certes ma motivation de base, mais j'ai désormais aussi à cœur de vous réunir avec votre enfant, pour honorer la confiance que vous avez placé en moi, ainsi que celle que vous avez placé en Bromen. Je vous promet de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour réussir cette mission." En espérant vraiment que cet enfant soit encore de ce monde, il songea.
Copper poussa un soupir amusé, s'essuyant discrètement un œil.
"Bromen m'avait bien dit que tu étais exceptionnel, mais à te voir te forcer si ardemment à ressembler à un Metallien, j'en doutais presque. J'en suis gêné." Il indiqua l'enveloppe."Tu es officiellement en mission pour l'Impératrice Vanadia. Ceci contient tout ce que je peux t'offrir pour accomplir ta mission : Un laissez-passer pour entrer et sortir de la ville comme tu l'entends, il fonctionne pour plusieurs personnes, tant que tu es du lot ; un cachet de l'Impératrice en personne, un ticket pour que l'armurerie t'offre une armure et une arme de ton choix, j'ai ouïe dire que tu préférais les longues massues, j'en ai donc réservé une que tu pourras modifier à ta guise. La vendeuse me fait une fleur ; Je n'ai pas pu t'obtenir de monture malheureusement, le maître d'écurie a refusé de m'en vendre une sitôt qu'il a su que c'était pour toi et je ne peux malheureusement pas utiliser mon statut pour l'y forcer, mais j'ai compensé avec une bonne quantité de monnaie paysanne que voici."
Le seigneur sorti une bourse du même tiroir où se trouvait jadis le rotulus. Il la tendit à Methans qui la prit avec hésitation.
"Avec ça, tu ne devrais pas avoir trop de mal à te trouver une monture à l'extérieur de la cité. À moins que tu choisisses les voyages en calèche, ce qui est moins cher mais plus restrictif niveau déplacement. Tu as aussi de quoi subsister pour une période, t'acheter de la nourriture, te loger dans une auberge..."
"Une auberge ?" Methans interrompit avant de porter la main à sa bouche choqué par sa propre grossièreté.
"C'est une sorte de maison où les gens peuvent louer une chambre pour un jour ou plus. Il y en a beaucoup chez les paysans. Elles sont surtout destinées aux voyageurs, je pense. Tu devras constater par toi-même."
"Je vois." Methans prit l'enveloppe, soulagé de ne pas avoir été réprimandé. "Combien de temps me donnez-vous pour retrouver votre enfant ?"
"Honnêtement, je n'ai pas d'attente précise. Fais ce que tu peux et je patienterai, je me sentirai déjà plus tranquille en sachant que quelqu'un cherche après. Il faudra que tu t'abstiennes de me tenir au courant, nous ne pouvons encourir le risque que les messages soient interceptés et les messages cryptés seraient bien trop suspects. Par contre, Methans..."
"Oui, Mon Seigneur ?"
Encore une fois, l'empereur tendit l'oreille en direction de la porte, préoccupé. Methans se dit qu'il était impossible de ne pas entendre quelqu'un arriver, mais ne dit mot.
"Ça me désole de le préciser, mais l'accord ne tient que si tu es capable de le ramener. C'est la condition que Vanadia impose."
"Je ne pensais pas le contraire. Un tel accord bouleverse totalement nos dogmes, ce qui est effarant en soi. Je suis déjà assez honoré que l'Impératrice Vanadia, loué soit son nom, ait accepté de donner sa chance à quelqu'un de ma condition."
"Si elle valide cet accord, personne ne pourra le discuter. Elle est absolue, le sont ses décisions aussi, ce sont les règles. Je suis désolé que cela se fasse moyennant un échange aussi astreignant pour toi, mais c'était la meilleure situation pour le proposer."
Methans serra l'enveloppe contre son cœur.
" Je me permets de me retirer. Je vous remercie de votre confiance, Mon Seigneur. Je partirai dans les plus brefs délais."
"Bien. Je compte sur toi, Methans."
Methans se déplaça vers la porte, posa la main sur la poignée, et se retourna brièvement.
"J'ai oublié de vous le demander, mais dois-je faire enregistrer votre enfant sous un nom précis si... Quand je vous le ramènerai ?"
Copper hésita.
"Ereke. C'était le nom que nous voulions lui donner. Je saurai ainsi qui il est."
---------------------------------------------------------------------------------
Ce ne fut pas chose aisée que d'expliquer à sa mère qu'il quittait la cité pour remplir une quête au nom de l'Impératrice. Depuis le décès de son premier enfant, cette dernière s'était encore plus renfermée dans son rôle de soldate mais l'idée de voir son deuxième enfant disparaître avait fait exploser le volcan vrombissant.
"Ne m'abandonne pas, ne me laisse pas seule !" Elle l'avait imploré.
Il lui avait prit les mains et avait fait de son mieux pour la rassurer sur son retour prochain. Il reviendrait et peut-être même que sa situation allait enfin changer. Il lui avait dit que s'il réussissait, il aurait son ticket pour l'armée, qu'ils pourraient alors combattre sur les champs de bataille ensemble. Mais elle s'était emmurée dans son désespoir et Methans n'avait pu s'empêcher de culpabiliser. Non pas qu'elle fut la mère la plus affectueuse du monde, au contraire. Le décès de son frère avait incité sa mère à s'éloigner encore davantage de lui, probablement parce que la disparition du fils prodige avec la conséquence de n'avoir plus qu'un bâtard pour enfant avait fait plonger son autorité auprès de ses propres recrues. Cela ne changeait pas le fait qu'il s'agissait de sa mère et qu'il l'aimait profondément.
"Où est Mitherel ? Il ne peut pas faire ça à ta place ?! Non bien sûr, il est juste bon à me faire perdre mes enfants ! Je perds mes enfants et lui reste là, un sale parasite inutile !" Elle avait retourné sa colère contre son époux, comme elle le faisait beaucoup depuis le décès de Bromen.
"Il ne peut pas faire ça à ma place, je suis le seul qui puisse le faire. S'il te plait, ne lui met pas ça sur le dos." Methans avait essayé de la raisonner, sans succès.
La pluie n'avait pas tardé à laver les rues de ses habitants. Ce n'était pas la période la plus propice pour quitter la cité, mais Methans n'était pas désireux d'attendre une météo plus clémente. Le jour après sa rencontre avec l'empereur, il avait déjà rassemblé tout ses nécessaires de voyage, incluant ceux offerts par l'empereur en personne.
Il avait salué sa mère qui l'avait regardé partir sans dire mot, puis avait pris la direction du seul lieu qu'il voulait vraiment voir une dernière fois avant de quitter l'endroit où il avait passé toute son existence.
-------------------------
Methans alluma un encens et prononça les psaumes honorifiques devant la stèle de métal. Une fois qu'il fut satisfait, il vint s'asseoir sur le banc juste devant, qui était fort heureusement couvert pour la pluie, et resta à contempler le visage gravé, souriant et apaisant, de son frère disparu. Il n'ignorait pas Mitherel assis juste à coté de lui, les mains entrelacées et le regard plongé dans le vide.
Sa mère n'était pas la seule à s'être brisée au décès de Bromen, son époux n'était plus que l'ombre de lui-même. Si elle avait décidé de s'impliquer encore plus dans l'armée pour échapper à sa souffrance, Mitherel avait tout simplement baissé les bras. Il passait de longues journées à errer sans but entre leur domicile et le cimetière. Parfois, il ne rentrait pas, il restait là à dormir sur ce même banc sur lequel il était actuellement assis. Il avait renoncé à travailler, à protéger son image pour laquelle il avait pourtant si durement travaillé. Il était là, avachi sur lui-même, n'ayant plus aucun autre but que de pleurer son enfant disparu.
Pendant des années, Methans l'avait détesté, convaincu qu'il faisait parti de ces gens qui le méprisait juste à cause de sa condition, mais en grandissant, il avait été forcé d'apprendre quelques vérités. Aujourd'hui, il était assez mature et conscient du monde dans lequel il évoluait pour comprendre beaucoup de choses qui le dépassaient enfant.
Une fois qu'il fut sûr d'avoir gravé le visage de Bromen dans son esprit, il se releva. Il s'inclina légèrement en direction de Mitherel pour le saluer une dernière fois et se retourna. Alors qu'il n'avait pas fait trois pas, il entendit assez distinctivement la voix basse de l'homme derrière lui.
"... Sois prudent là dehors..."
Methans senti ses yeux picoter, il renonça à répondre son beau-père et partit en courant.
Il n'était peut-être pas un enfant prodige, il ne pouvait pas remplacer son frère chéris de tous, il était juste un enfant illégitime né d'une union interdite, et sa seule présence n'avait causé que du tord à sa famille, mais il désirait plus que tout l'aider à retrouver sa fierté. Recevoir le statut officiel de Metallien n'était pas juste quelque chose pour lui, cela servait avant tout à laver l'honneur de sa famille. Plus de tache dans le décor, plus de réputation salie. C'était simple, l'échec n'était tout simplement pas envisageable. Peu importe où pouvait se trouver cet enfant, il le retrouverait coûte que coûte.
END
Tags : petit journal
-
Commentaires