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Petit Journal de Methans
Ceci est un texte semi-indépendant de mon histoire et il en fait donc parti. Il introduit des informations qui peuvent être considérées comme importantes.
Partie d'histoire concernée : Ereke
Personnages principaux de la partie d'histoire : Coram, Methans, Vulcan
Période du monde : Moyen-âge
Nature du monde : Heroic-Fantasy----------------
La Bagarre
Le choc, un craquement d'os. Je levai à nouveau le poing avant de l'abattre toujours sur la même surface, s'ensuivait encore le bruit de l'impact qui me terrifiait, autant qu'il m'apaisait. Il était probable qu'il y ait des cris, mais rien ne m'atteignait. Ma furie était sourde.
En-dessous de moi, plus rien n'avait de forme au milieu du trouble qu'était devenue ma vision, mais je distinguais encore du gris et aussi du rouge, un endroit où envoyer mon prochain coup de poing.
"KANEHANE !" Je distinguai parfaitement cet appel, mais ne m'en servit pas pour reprendre le contrôle de mon propre corps.
Deux bras se glissèrent sous les miens et je me senti tracté en arrière. Quelqu'un me séparait de l'objet de ma colère et ça me rendait encore plus furieux, je me débattis en hurlant.
"LAISSEZ-MOI, LAISSEZ-MOI ! IL L'A CHERCHÉ, ILS L'ONT TOUS CHERCHÉ !" Je savais que j'étais allé trop loin, mais je ne pouvais plus m'arrêter. Pas maintenant que toute ma volonté s'était effondrée.
Je fus plaqué au sol par un nombre indéterminé de personnes. J'essayai de pousser sur mes bras pour soulever la masse qui me pressait contre le sol, me relevant un petit peu, encore un petit peu, avant de m'écraser à nouveau contre la pierre.
"Calme-toi, Kanehane !" J'entendis le ton autoritaire du maître Rubidem.
J'essayai de repousser à nouveau le poids sur mon dos, mais je finis par abandonner. La respiration saccadée et douloureuse, je me laissai glisser dans une sorte de transe tranquille. J'entendais maintenant distinctement le remue-ménage autour de moi, probablement ceux qui venaient prendre en considération l'ampleur des dégâts, ainsi que ceux qui accouraient pour aider mes victimes.
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"Tu as idée de ce qu'il a fait !?"
"Mitherel, moins fort."
"Co… Comment peux-tu me demander de parler moins fort !? Ton fils a démoli trois de ses camarades ! L'un d'entre eux est tellement arrangé qu'on a dû faire appel à un mage de la race paysanne pour lui réparer la figure !"
"Il recevra sa punition."
"M… Mère." J'essayai de l'appeler, les yeux encore rouges, mais je reçus un bref regard désapprobateur de sa part.
"Nous conviendrons de ce qu'il y a lieu de faire plus tard, Methans. Ce sera statué en présence de l'impératrice Vanadia, loué soit son nom. Dispose, je te prie."
Je me retins de partir dans une nouvelle session de larmes et quitta la pièce sous le regard furieux de Mitherel. Il ne fallu pas longtemps pour que j'entende la colère de ce dernier exploser à nouveau. Je les détestais tous ! Pourquoi avais-je droit à si peu de compassion ? Pourquoi est-ce que tout le monde me traitait ainsi ? Qu'avais-je fait !?
Je m'aventurai dans le long couloir de notre mansion et m'apprêtait à monter les escaliers quand j'entendis un bruit juste derrière moi, et juste avant de comprendre, quelque chose me saisit la main et je fus tiré en avant dans les escaliers.
"Aaah, Bromen, qu'est ce que tu fais !?" Mon frère se retourna et me lança un clin d'œil.
"Que suis-je en train de faire, petit frère ? Je nous emmène dans notre cachette secrète pour que personne ne vienne nous ennuyer !"
Je n'eus pas le temps de me plaindre que j'entendis des coups violents à la porte d'entrée, ainsi que l'appel de l'arrivant.
"Kanehane, venez ouvrir sur le champ. Votre sale bâtard de fils a démoli mon enfant. Vous ne vous en sortirez pas aussi facilement cette fois !"
"Il l'a cherché, ils l'ont tous cherché." Je sifflai entre mes dents, tandis que mon frère et moi courrions nous réfugier à l'étage supérieur.
Arrivé à l'étage, je continuai à laisser mon frère nous guider jusqu'à sa chambre, puis à la trappe cachée derrière sa commode qui donnait sur un étroit petit passage, lequel nous emmena finalement dans une petite pièce isolée, la fameuse cachette de Bromen.
Ce dernier referma le passage avec le volet d'acier, et s'assis en soupirant. Je m'assieds aussi et ramena mes jambes à mon corps, les sourcils froncés. Après quelques minutes de silence, mon frère prit enfin la parole :
"Mère va avoir beaucoup de mal à plaider ta cause cette fois." Je me contentai de grogner à cela et tourna la tête pour ne pas le regarder.
Bien sûr, mon frère n'était pas le genre à se laisser ennuyer par ma puérilité, je pouvais même l'imaginer en train de hocher négativement la tête avec un petit sourire, une habitude qu'il avait. Il continua donc :
"Que s'est t-il passé ?"
Je tournai vaguement ma tête dans sa direction, puis le refit disparaitre de ma vision.
"J'ai pas envie d'en parler."
J'entendis un léger soupir de mon frère et je le senti me tirer vers lui. Je savais qu'il voulait juste me rassurer, mais j'étais toujours furieux. Je lui pinçai donc la joue et tira un coup.
"Aie, c'est mesquin ça, Methans !" Me fit mon frère qui me prit quand même dans les bras.
Je grognai pour toute réponse, mais me laissai faire… Quoique ne relâchant pas sa joue.
Bromen commença à me bercer et inconsciemment, je finis par vraiment me relaxer, relâchant même ma prise. Son dorlotement dura quelques minutes, le temps que je retrouve un véritable sentiment de quiétude, avant qu'il ne retourne à la question fatidique.
"Alors ? Tu es disposé à me dire ce qu'il s'est passé ?"
Je sentis mes larmes remonter aussitôt et ma lèvre inférieure trembla. Pouvais-je seulement lui dire ? Pouvait-il seulement comprendre ?
"Tu sais que je suis de ton coté, petit frère. J'ai toujours été de ton coté et je le serais toujours." Mon frère me dit comme s'il avait entendu mes questions.
"Tu dis ça, mais tu me finiras par me laisser seul comme les autres…" Je marmonnai.
"Quel genre de grand frère serais-je si je tournais le dos à mon adorable petit frère, surtout quand il est en pleine détresse !?" Me fit Bromen sur un ton choqué.
Je m'écartai un peu de ses bras rassurant et le dévisagea en faisant la moue. Je devais être terrible à voir, j'en étais certain au vu de la grimace qu'il me fit.
"Regarde-toi, tu as de la morve partout !" S'exclama mon frère en sortant un tissu de son uniforme.
Charmant… Je me laissais néanmoins nettoyer la figure sans trop broncher.
"Alors ? Es-tu disposé à en parler ?"
Je pris une profonde inspiration, me concentrant sur ma colère pour ne pas fondre à nouveau en larme comme un faible.
"Ils ont recommencé…" Lui répondis-je, les yeux fixés au sol.
"Je croyais que tu ne comptais pas te laisser atteindre. C'est ce que tu m'as dit l'autre fois."
"Ouais, ben, c'est pas aussi simple." Je grognai de plus belle, fronçant davantage les sourcils.
"Ça ne l'est pas si tu y donnes de l'importance…"
Je le repoussai brusquement, le projetant pratiquement dans le mur.
"C'est facile pour toi de dire ça ! Toi, tout le monde t'aime. Notre mère, Mitherel, les voisins, ceux de ton école, ceux de ta faction. Tu es tellement doué pour tout, tu sais répondre aux attentes et tu as le sang PUR !"
Bromen voulu réagir pour me calmer, mais je repoussai ses bras pour continuer :
"Moi, tout ce que les gens veulent voir, c'est que j'ai le sang sale. J'ai beau me démener et suivre les règles, je suis toujours traité avec mépris. Ils refusent de voir plus loin et de me donner ma chance. Et ces sales gosses, ils… Ils… Ils disent des choses horribles. Que mon vrai père est un porc, que notre mère mérite la pendaison et que je ne suis qu'un monstre ou une erreur de la nature. Ils trouvent toujours plus de qualificatifs pour moi à chaque jour qui passe, et le pire, c'est qu'ils les utilisent devant les parents ou les professeurs et ces derniers ne disent jamais rien !"
Je m'écroulai sur le sol et cachai mon visage de mes mains, les larmes coulant à flots désormais. Les bras de mon frère m'encerclèrent à nouveau et je sentis son menton se poser sur ma tête.
"Pardonne-moi, petit frère. J'ignorais que cela t'atteignait autant…"
"Et notre mère..." Je continuai, sanglotant. "Elle n'est jamais de mon coté. Elle ne me dit jamais ce que je dois faire et elle me laisse me débrouiller. Pourquoi me déteste-t-elle ?"
"Notre mère ne te déteste pas, petit frère…" Me répondit mon frère, sa main caressant l'arrière de ma tête.
"Alors pourquoi ?" Je lui demandai en m'agrippant à son uniforme.
"Elle a sa propre façon de te protéger, c'est tout."
"C'est pas vrai, elle me déteste autant que Mitherel. Je préfère mourir que de continuer à vivre ça…" Je gémis dans mes mains, me griffant pratiquement le visage.
"Elle ne te déteste pas. Arrête de penser ça." Répéta Bromen m'écartant brusquement en me tenant par les épaules.
Je baissai ma main et le fixai, interloqué par la dureté de son ton. Il me dévisagea puis son visage se détendit.
"Écoute. Je ne peux rien dire sur les fois précédente car je n'en sais rien mais pour cette fois, je peux te l'affirmer. Si notre mère ne t'a pas emmené directement à l'impératrice, ce n'est pas pour rien."
"Qu'est ce que tu veux dire ?" Je lui demandai, en m'essuyant les yeux.
"Notre mère a déclaré vouloir t'emmener chercher ton jugement à l'impératrice pour calmer Mitherel et les autres. Mais en réalité, elle attend le départ de l'impératrice pour aller voir l'empereur. C'est la raison pour laquelle tu es encore ici, plutôt que déjà là-bas."
"Qu'est ce que ça change ? Je ne comprends pas…"
"Notre impératrice Vanadia, loué soit son nom, est intransigeante. Sa punition serait incontestablement sévère." Fit mon frère, l'air sérieux et réfléchi. "À l'opposé, son mari, Copper X, est un exemple de bonté et d'ouverture d'esprit. Il saura se montrer magnanime avec toi, j'en suis certain !"
"Comment tu peux en être si sûr ?" Je bougonnai.
"Je l'ai rencontré et je lui ai parlé, Methans !" Mon frère s'exclama, se frottant sa joue rougie. "Il est vraiment différent des autres. Il interagit beaucoup avec la race paysanne et même les elfes. Il s'intéresse à tout et à tout le monde ! C'est un modèle sur lequel tous les Metalliens feraient mieux de s'appuyer."
Je poussai un soupir et secoua la tête. Mon frère et son idéalisme, toute une histoire.
"Ça ne change rien au sujet de ce que je pense de mère, mais je vais essayer de te croire pour le reste…"
Pour réponse, mon frère m'ébouriffa les cheveux et me tira à nouveau dans un câlin.
"Pardonne-moi de t'avoir laissé seul, petit frère. Je te promets de garder un œil sur ces sketrare* et de leur botter le train si je les prends à te faire vivre un enfer…"
Je hochai la tête et poussai un profond soupir.
Mon frère était la seule raison pour laquelle je devais encore tenir le coup. Le seul être qui m'était réellement précieux et pour qui je savais que je comptais. Je ne devais jamais oublier à quel point il m'était important.
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"Tu rêvasses…"
Une voix me tira de ma rêverie.
"Qu… Quoi ?" Je fis, complètement ébahi.
Coram poussa un soupir exaspéré.
"J'ai dit : Tu ré-va-sses." Il articula, surement dans le but de me comprendre qu'il me prenait pour un idiot. Je ne me posais pas plus de questions.
"Ha ?... Ha oui ! Pardon." Je me levai brutalement, me frottai la tête et lui ébauchai un petit sourire. "J'étais en train de me rappeler que je devais rendre un hommage, en fait."
Coram leva un sourcil, visiblement intéressé.
"Un hommage ? À qui ?"
"À quelqu'un qui comptait beaucoup pour moi." Je lui répondis.
"Un mort ? Pourquoi tu veux rendre hommage à un cadavre ?" Je crois que je commençais à avoir l'habitude de la brutalité avec laquelle il pouvait dire certaines choses…
"Oui. Tu n'as pas de morts que tu honores ?"
"Personne dont je me souvienne." Vint spontanément la réponse.
J'entendis Vulcan grincer derrière lui. Il fallait vraiment que je tire au clair cette histoire d'évaporation de sa raison pour se venger.
Je les laissai s'affairer à notre campement pour aller chercher les encens qui me servaient à faire mon petit rituel. Voilà quelque chose dont je ne me séparais jamais.
"Alors, c'était qui ?" Je fus surpris que Coram m'ait suivi.
"Mon grand frère. C'était quelqu'un d'extraordinaire… Mais il est mort jeune." Je finis, baissant la tête.
"Je vois."
J'allumai les encens, me mis à genoux et commençai à prononcer les quelques psaumes honorifiques dans l'ancienne langue metallienne, la main gauche sur le cœur, la droite tendue vers les encens avec la paume vers le ciel.
"Il était si important que ça pour toi ?" Coram me coupa.
Je soupirai, légèrement ennuyé. Mais je savais qu'avec ce type, il valait mieux faire preuve de sang-froid, si je pouvais dire cela ainsi. Je posai les mains sur les genoux et décidai de lui expliquer.
"Il était tout pour moi. C'était mon guide, c'est lui qui me donnait le courage d'avancer. Sans lui, je me serais probablement égaré."
Coram fit une drôle de grimace, comme si ce que je lui disais n'avait pas de sens. Je décidai quand même d'ajouter :
"Il était si important que je n'ai jamais voulu laisser mourir sa mémoire, je me suis d'ailleurs fait une promesse en son honneur : Mon frère est parti en souriant, je veux partir ainsi aussi."
"J'en déduis que ce sourire niais que tu trimballes tout le temps doit venir de là." Répondis simplement Coram, avec un léger rictus.
Mon sourire s'élargit quelque peu et je fermai les yeux, complètement apaisé par l'odeur des encens qui se consumaient.
"Tu as tout compris. Maintenant, puis-je finir ?"
"Fais donc." Répondis Coram, qui haussa les épaules avant de s'assoir derrière moi.
End
*sketrare est une insulte typique des Metalliens, elle peut être associée à tout ce qui se rapporte à la crasse.
P.S.: À cette période, Methans a 9 ans et son frère en a 14.
Tags : petit journal
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